La maison de Fantik et Lachainep

Le réveil était douloureux.
Fantik ouvrit lentement les yeux et vit qu'elle était dans son lit, il faisait jour.
Son bras droit était bandé contre sa poitrine, une douleur sourde lançait son épaule.
Elle avait mal à la tête aussi...
Les raisons de son état lui revinrent à l'esprit.
Le match de soule...leur premier mouvement couronné de succès...jojo et mex se ruant sur le capitaine de Gien, la capitaine plutôt !
Elle qui court pour leur prêter main forte et puis le choc avec 4 joueurs de Gien.
Elle se souvient d'avoir tenté de leur échapper, d'avoir distribuer quelques baffes et tenter des crocs en jambes, mais finalement un coup derrière la tête l'a fait tomber au sol.
Encore quelques coups reçus...ils ne lui laissent aucune chance!
A demi consciente, elle sent les bras de Lachainep qui la soulèvent puis le trou noir.

Citation :: Mmmmm!!! ouille...il faut que je me redresse un peu.
Ils ne m'ont pas raté les "vaches".

Fantik grimace en se soulevant un peu, son côté gauche est douloureux aussi, et arrive à s'assoir à demi.
La maison est silencieuse, un bon feu ronfle dans la cheminée.
Elle a un goût désagréable dans la bouche, surement les remèdes de Javeline et Zazou...Elle boirait bien un peu.
Où es-tu Lach ?...j'ai besoin de toi...non, je dois le laisser tranquille, il a des choses plus importantes à faire.

Fantik se recouche, elle ira mieux un peu plus tard.
Elle ferme les yeux et se laisse somnoler.

Après plusieurs jour de repos, Fantik se sentait beaucoup mieux.
Son épaule la faisait encore souffrir un peu mais elle pouvait de nouveau utiliser son bras et les autres "bobo" n'étaient plus que de l'histoire ancienne sauf peut-être le "bleu" qu'elle avait sur le côté droit...
Bleu...si l'on veut...car un peintre y trouverait son bonheur côté couleur!!
Signe que cela ne serait bientôt lus qu'un mauvais souvenir.
Beaucoup de travail en retard à la douane, écrire n'avait pas été facile, et la maison avait besoin d'un bon coup de balais.

Citation :: Allez, il faut s'y remettre...plus on attend et plus c'est difficile de toute façon.

Une fois le ménage un peu fait, Fantik répara le dîner.
Un bon pot au feu pour se réchauffer des longues journées passées dans les champs ou à la mine.

Noël etait passé, l'année nouvelle aussi, Lachainep était loin de leur maison...

Il lui avait envoyé un bouquet de gui que Fantik suspendit dans la maison.

Quand ils reviendraient, ils respecteraient la tradition qui, dit-on, porte bonheur...S'embrasser au passage de la nouvelle année sous le gui.

S'ils revenaient un jour dans cette maison. Tant d'événements les retenaient éloignés d'elle.
Fantik ferma la porte et repartit sur les routes le retrouver.

Elle était là, au bout de la rue, leur maison qui les attendait...
Cela faisait si longtemps que Fantik en avait fermé la porte.

La barrière était un peu de guingois, elle aurait besoin d'un sérieux coup de neuf.
Fantik chercha dans sa besace la clé qui eut un peu de mal à tourner dans la serrure...
Hé bien...si tout est comme cela, il va nous falloir une semaine pour tout remettre en état !

En entrant, une odeur de feu éteint et de poussière les accueillit.
La maison avait besoin d'être ouverte et de reprendre vie.
Au dessus de la porte le bouquet de gui était toujours là, un peu desséché.

Il avait sourit en voyant le gui...
Il avait déposé sa besace par terre, là...pris celle de Fantik pour lui faire rejoindre le sol puis l'avait enlacé tendrement et embrassé sous le gui.

Ce n'était pas la nouvelle année et pourtant...ils étaient revenus un jour particulier.
Un an jour pour jour après l'arrivée de Fantik à Montauban.
Alors ils avaient fait des voeux, pour de nouvelles découvertes, une nouvelle étape dans leur vie.
Fantik lui avait murmuré de ne pas oublier la promesse qu'elle lui avait fait à Blaye...

Lach était reparti, "besoin de reprendre des forces" comme il disait.

Il pensait revenir mardi et Fantik en avait profité pour nettoyer la maison.

Depuis son poste de garde, tous les matins, Fantik guettait la route venant du monastère espérant y voir sa silhouette au loin...en vain pour le moment.

Elle avait promis de ne plus s'inquiéter, de supporter son éloignement aussi faisait-elle bonne figure au village.
Mais le soir...
Elle relisait ses poèmes et ses lettres, dormait avec une de ses chemise, buvait sa tisane dans sa tasse...
Une lettre en particulier ne la quittait plus.
Douloureux rappel de ce qu'elle avait failli provoquer et qui lui serrait le coeur.
Depuis, il n'avaient pas eu le temps de se retrouver vraiment et Fantik ne serait pleinement rassurée qu'une fois...

Comment avait-elle pu risquer de gâcher tant de choses ? De le perdre alors qu'elle savait ne pas être capable d'y survivre ? et de souffrir par delà la mort peut-être plus encore.
Elle s'endormait au bout de son épuisement et de ses larmes, pour en avoir fini avec ses tourments quand il reviendrait.

Cela finirait-il un jour?

Chaque jour de la semaine avait apporté son lot de mauvaises nouvelles.
Des armées de nouveau attaquant Marmande et La Teste...encore que pour la Teste, les raisons de la présence de l'armée n'étaient pas claires...

Mangeard, mort !
Zephy disparue depuis le 14, la prise ratée de la mairie parce que la personne de Guyenne la mieux placée selon elle avait eu tout faux pour la milice...
Fantik avait hurlé sa colère quand elle avait aperçu les miliciens foncer sur elle et ses amis qui tentaient d'ouvrir la mairie.
Ces idiots n'avaient-ils pas compris que Zephy devait être à l'intérieur, morte sans doute pour ne pas reparaitre ?
Rien n'y avait fait. Ils avaient du renoncer...les miliciens ne perdaient rien pour attendre ! on verrait bien qui aurait le dernier mot!

En attendant, Fantik n'allait pas bien.
Cette absence prolongée l'avait rendue mélancolique au début, avec tout ce qui était arrivé, elle frôlait l'abattement.
Un rien lui faisait venir les larmes aux yeux et ce n'était pas rien qui lui tombait dessus chaque jour...
Elle sentait une douleur s'installer en permanence dans sa poitrine, lui serrant le coeur, une boule dans la gorge.

Il fallait aller à la cérémonie religieuse pour Mangeard, Fantik devait bien çà à Mero même si elle redoutait la crise d'angoisse qu'elle sentait venir.

Cela finirait-il un jour?

L'apothéose...La duchesse disparaît...
Elle devait s'adonner à la magie noire car on n'a rien retrouvé de son corps...évaporée !

Mais qu'est-ce que Fantik faisait sur cette terre !
Elle avait envie de rire, un rire nerveux, incontrôlable.
Envie de pleurer aussi.
Elle connaissait les symptômes...

Mero et Zazou étaient partis hier soir, dimanche ce serait le tour de Kall et Chrego.
Vide, Fantik se sentait vide et cela faisait mal.
L'absence de Lach se prolongeait et la marée des "et si..." avait refait surface.

Depuis une semaine Fantik s'endormait en disant "demain...demain il sera là!"
Et Lach ne revenait pas...

Kindjal était sortie à l'aube, fuyant les cris incessants de sa progéniture. Deewali saurait bien s'en occuper le temps d'une balade... et Kindjal avait besoin de ce répit, qu'il soit ou non réellement mérité. Sa première préoccupation fut donc, elle qui était plus habituée au calme feutré d'une bibliothèque qu'aux tourments incessants d'un nourrisson, de retrouver un minimum d'ambiance calme, sereine, de discussion avec un adulte raisonnable - Deewali n'entrait bien entendu pas dans cette catégorie.
Elle songea donc qu'elle n'avait pas eu l'occasion de revoir Fantik chez elle depuis son retour, et cela lui sembla tomber à pic. Elle savait que Fantik était une personne assez mâtinale. Sans doute ne la réveillerait-elle pas.

Kindjal poussa donc doucement la grille, guettant le moindre mouvement qui aurait pu trahir la présence de son amie.
Le jardin semblait avoir souffert de l'absence de Fantik, Kindjal songea qu'elle aurait dû y être plus attentive. Mais les derniers mois avaient passé si rapidement...
Elle s'avança lentement et toqua doucement à la porte, prête à faire demi-tour en l'absence de réponse.

Fantik revenait de sa garde, le village était calme depuis quelque temps et cela faisait du bien.
Le soleil se levait à peine et dans la pénombre, elle vit une silhouette devant sa porte.
Elle avança prudemment, se demandant qui cela pouvait être.
Une femme apparemment d'après sa tenue...

Elle poussa le portillon et vit avec plaisir que c'était Kindjal, sa voisine...
Se passait-il quelque chose ?

Bonjour Kin !
Quel bon vent t'amène de si bonne heure chez moi?
Je suis contente de te voir.

Kin se retourna...
Fantik fronça les sourcils, quelque chose avait changé chez Kin...mais quoi ?
L'esprit un peu embrumé par sa nuit de rondes, Fantik n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.
Oui...elle lui avait trouvé un peu d'embonpoint la dernière fois qu'elles s'étaient croisées au baptême des enfants de Nic et Aigue et là...Kin était aussi mince que dans ses souvenirs plus anciens.
Dis...tu as fait un régime? je te demanderais bien lequel...j'ai quelques rondeurs à perdre et tu sembles experte en la matière!
Fantik lui sourit et la prit dans ses bras pour l'embrasser.

Bonjour Kin !
Quel bon vent t'amène de si bonne heure chez moi?
Je suis contente de te voir.

Kindjal se retourna en s'entendant interpellée. Fantik était là, qui revenait de sa garde de toute évidence. Kindjal avait même oublié ça ! Mais au moins ça tombait plutôt bien pour le coup. Elle vint à sa rencontre.

Bonjour Fantik.
Je venais juste te faire une petite visite de courtoisie. Nous n'avons pas eu trop l'occasion de discuter depuis ton retour, je voulais savoir comment tu allais.

Elle eut l'impression que Fantik la détaillait, et cela se confirma :
Dis...tu as fait un régime? je te demanderais bien lequel...j'ai quelques rondeurs à perdre et tu sembles experte en la matière!

Elles étaient arrivées à la même hauteur et Fantik la prit dans ses bras pour l'embrasser. Kindjal sentit un sourire naitre sur son visage comme elle lui rendit la pareille.
Un régime... je te conseille d'en choisir un qui ne dure pas neuf mois et qui ne t'engage pas au minimum pour les vingt prochaines années...

Un régime... je te conseille d'en choisir un qui ne dure pas neuf mois et qui ne t'engage pas au minimum pour les vingt prochaines années...

Fantik en resta bouche bée, tandis que son cerveau triait les paroles de Kin.
Elle avait du mal comprendre...pourtant cela semblait clair.
Elle n'avait rien remarqué...il faut dire que depuis son retour elle avait peu vu Kin, un fois ou deux en taverne, mais Fantik était resté si peu de temps...pas vraiment pris de nouvelles de son amie.
Et elle avait été absente si longtemps.
Un sourire béat s'épanouit sur son visage.

Kin ??? tu veux dire...que tu es mère? enfin je veux dire que...un bébé?
c'est un garçon ou une fille?
Tant de questions se bousculaient dans la tête de Fantik...Elle se contraignit à ne pas toutes les poser en même temps...
Elle fouilla fébrilement ses poches afin de trouver sa clé, se rappela qu'elle l'avait laissé sous le pot de fleur à l'attention de Lach s'il revenait pendant son absence, se trompa de pot deux fois et finalement réussit à ouvrir sa porte.
Elle fit volte face, Kin n'avait pas encore eut le temps de commencer à lui répondre...

Entrons...il fait un peu frais ! Il ne s'agit pas que tu prennes froid...
Kin...Pour une nouvelle ! c'est une sacré bonne nouvelle...

Kin ??? tu veux dire...que tu es mère? enfin je veux dire que...un bébé?
c'est un garçon ou une fille?

Kindjal pencha légèrement la tête sur le côté, comme si elle réfléchissait à la question. Fantik en profita pour ouvrir la porte.

Entrons...il fait un peu frais ! Il ne s'agit pas que tu prennes froid...
Kin...Pour une nouvelle ! c'est une sacré bonne nouvelle...

Kindjal afficha un sourire forcé, s'exclamant avec un manque flagrant de conviction :
Ouaaaaiiiiis !

Elle entra, dénouant sa cape d'un air absent. Une quinte de toux la ramena à la réalité. Elle leva les yeux vers Fantik et répondit en se grattant la nuque :
Un garçon... C'est un garçon.

Les deux amies avaient discuter un moment...
Kin ne semblait pas vraiment enthousiaste sur le coup...mais au fur et à mesure que Fantik la questionnait, son amie parlait de Léonard...(puisque que c'était son nom) avec de plus en plus de plaisir.

Deewalie était revenue, c'est elle qui avait aidé à mettre au monde l'enfant et elle semblait s'en occuper au mieux pendant les absences de Kin...
Cela faisait drôle quand même...Kin maman !!!!

Fantik s'abtint de demander à Kin qui pouvait être le père...Kin était seule depuis que Fantik était revenue de Blaye, et le sujet n'avait jamais été abordé.
Que dire...Fantik aurait tellement aimé voir son amie heureuse en famille...

Après avoir bu ensemble quelques tisanes, Kin s'en retourna au dispensaire, laissant Fantik songeuse...

Lachainep a écrit:: Tôt le matin, un carosse s’arrêta devant la demeure de Fantik,

Un laquais toqua à la porte de Fantik..

La porte s’ouvrit…

Avant que celle-ci ne puisse dire quoi que ce soit, le serviteur lui tendit un pli cacheté avec un bouquet de roses…

Fantik,
Il y a plus d’un an j’ai rencontré une fille,
Une femme qui m’a charmé par sa patience et sa gentillesse…
Elle a grandi avec le temps qui défile
Toujours prête à donner son énergie sans aucune paresse…

Je sais la chance que j’ai d’être aimé
Nous avons connu tellement d’actions,
Sans toi je n’y serais jamais arrivé
Et nous avons toujours joué la même partition…

Combien savent que nous nous écrivons tous les jours ?
Combien savent que ton sourire me donne la force nécessaire ?
Combien savent combien donner c’est moins lourd ?
Combien savent qu’aujourd’hui je ne peux plus me taire ?

On pourrait s’en aller bientôt
Profiter de la météo
Une plume dans les bagages
Pour notre voyage

On pourrait partir au hasard
Depuis le temps qu’on se prépare
Cesser de remettre sans fin
Remettre à demain

Nous irons
Vers le même destin
Par le même chemin
Pour le même avenir

Nous irons
Comme dans un jardin
Une pomme à la main
Chercher nos souvenirs

On pourrait faire ce voyage
Aller jusqu’au bout de notre âge
En suivant le même chemin
La main dans la main

Dans ce royaume Renaissant où nous nous sommes connu,
Dans ce duché pour lequel nous avons donné notre vie
Dans Montauban où nous avons toujours fait ce qu’on a pu,
Dans notre cœur, où notre amour se crie…

Le carrosse t’attend…
Si tu le prends,
Il t’amèneras,
Dans mes bras,

Et la promesse faite il y a longtemps en taverne,
Je souhaite maintenant la faire devant Aristote et les hommes,

A toi de choisir….je t’attend au bout du chemin…

Ton Lachainep
Vicomte de Noaillan

Dame Fantik, j’attends maintenant votre décision comme me l’a ordonné mon maître…

Que décidez-vous ?

Si vous montez dans le carrosse nous partirons aussitôt LE rejoindre…

Il faisait frais dans la maison que Fantik et Lachainep occupaient au bout de la rue des violettes, les volets à demi-fermés empêcheraient le soleil de transformer les lieux en fournaise par ce bel après-midi ensoleillé qui s'annonçait

Fantik préparait des fraises cueillies dans le jardin pour en faire de délicieuses confitures.
Ce sera pour demain matin...il va faire trop chaud cet après-midi pour cela se dit-t-elle...

Elle pensait à son gourmand qui tenterait de lui chiper la cuillère pour être le premier à goûter !!!
Un bruit inhabituel éveilla son attention mais avant d'avoir pu regarder dans la rue, on toqua à sa porte.
Intriguée, elle ouvrit en essuyant ses mains dans un torchon pour accueillir le visiteur.
Un homme en livrée se tenait devant le seuil, lui fourrant dans les mains une brassée de roses rouges accompagnées d'un pli scellé.

Fantik regarda l'homme imperturbable qui souriait discrètement...
Des roses...rouges...son coeur s'accéléra tandis qu'elle décachetait le message les mains tremblantes.

Cette écriture...elle prenait tant de plaisir à la lire chaque jour...

Au fil de la lecture, Fantik avait les yeux de plus en plus embués, et elle se détourna de l'homme pour cacher son émoi.

Dame Fantik, j’attends maintenant votre décision comme me l’a ordonné mon maître…

Que décidez-vous ?

Si vous montez dans le carrosse nous partirons aussitôt LE rejoindre…

Fantik le regarda, interdite, regardant par dessus l'épaule de l'homme le carrosse qui attendait.

Vous suivre ? Tout de suite ? enfin je veux dire...
Je ne peux pas aller rejoindre le Vicomte dans cette tenue...

Entrez un instant...il y a un pichet sur la table et un gobelet propre...si vous désirez vous rafraîchir...

Je dois ...mon Dieu...je vais me changer ...
Sans prendre la peine de regarder si l'homme entrait, Fantik se dirigea vers la chambre et fit un brin de toilette puis sortit de son armoire la houppelande qu'elle avait soigneusement rangée, en attendant une occasion de la porter.
Elle sourit en se souvenant à qui elle l'avait achetée...

Elle la revêtit, puis brossa soigneusement ses cheveux, épingla la broche que Lach lui avait offert puis regagna la salle.

Je suis prête à vous suivre Messire...juste le temps de mettre ses roses dans un pot...et puis non! Je les prends avec moi...

L'homme se leva, gagna le carrosse, ouvrit la porte, puis lui tendit la main pour l'aider à monter.

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